La reddition annuelle des comptes du CE
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MAJ FEVRIER 2014 avec effet au 1er janvier 2015 :
Voir notre article sur la presentation des comptes du CE obligatoire par un expert-comptable
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NE PAS CONFONDRE REDDITION ANNUELLE DES COMPTES ET COMPTE-RENDU DE GESTION DE FIN DE MANDAT
Chaque fin d’année, le CE doit faire un compte rendu détaillé de sa gestion financière, en indiquant le montant de ses ressources et dépenses et en distinguant bien chacun des 2 budgets (C. trav., art. R. 2323-37).
À cette obligation annuelle s’en ajoute une autre, qui prend corps après chaque élection : les membres du CE sortant doivent rendre compte de leur gestion au nouveau CE (C. trav., art. R. 2323-38). Il s’agit surtout de faire un bilan de la gestion passée du CE et de transmettre le flambeau aux nouveaux élus. Les membres de l’ancien CE, en particulier le trésorier et le secrétaire, doivent alors remettre aux nouveaux membres tous documents concernant l’administration et l’activité du CE.
Notre point de vue
Quelle que soit la personne chargée de la reddition annuelle des comptes, il est judicieux, même si la loi n’impose rien, d’archiver les pièces comptables et de les garder disponibles pendant un certain temps. Un délai de 6 ans est habituellement considéré comme le minimum. Cela facilitera à coup sûr le compte rendu de gestion de fin de mandat. Classifier et justifier vos dépenses s’avère en effet incontournable pour une saine gestion.
LE TRÉSORIER PEUT S’EN CHARGER
L’opération annuelle de reddition des comptes du CE permet d’être transparents vis-à-vis des salariés et de faire le point sur l’état des finances du CE.
En général, c’est le trésorier du CE qui est chargé de cette mission, puisqu’il gère les affaires financières du CE. Il peut aussi s’agir du secrétaire, ou du trésorier avec le secrétaire, ou du bureau du CE collectivement…
Le mieux est de le prévoir dans le règlement intérieur pour éviter tout litige.
UNE OPÉRATION QUI SE PRÉPARE TOUT AU LONG DE L’ANNÉE
La reddition des comptes doit se faire par étapes et, surtout, ne pas être préparée au dernier moment !
Tout au long de l’année, le trésorier doit tenir les comptes à jour et pour cela, il a tout intérêt à utiliser un logiciel comptable. À chaque fin de mois, il est préférable qu’il fasse un bilan quand il reçoit les relevés de la banque et les factures : vérification des rentrées et sorties d’argent, tenue du livre de caisse pour l’argent liquide… Il peut faire un point à chaque réunion ordinaire.
Sauf décalage, les comptes de l’année ne peuvent pas être clos avant la fin de l’année et il est fréquent qu’en décembre, toutes les dépenses et recettes n’aient pas encore été intégrées (chèques en cours d’encaissement…).
Dès lors, une réunion peut être organisée en décembre pour que le trésorier présente les comptes provisoires au CE et fasse éventuellement un état récapitulatif des dépenses et recettes en attente. Puis en janvier, le CE tiendra une réunion où le trésorier présentera les comptes définitifs intégrant les dépenses non prises en compte en décembre.
Exemple : si le CE organise une fête de Noël fin décembre, le devis du prestataire est certes établi à l’avance, mais le CE ne dispose pas encore de sa facture définitive et ne l’a donc pas encore entrée dans ses comptes. La dépense devra néanmoins être rattachée à la bonne année budgétaire, celle qui s’achève et non celle qui va commencer.
LA REDDITION ANNUELLE DES COMPTES DU CE EN 3 ÉTAPES
Voici chronologiquement comment le trésorier (ou la personne qui en est responsable) peut s’y prendre pour effectuer la « reddition des comptes ».
1re étape : une fois qu’il a établi les comptes, le trésorier demande au secrétaire du CE d’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine réunion : « reddition des comptes : discussion du budget de l’année écoulée ». Lors de cette réunion, il présente au CE les comptes en expliquant ce qui a été réalisé en cours d’année, au regard des prévisions faites en janvier, au début de l’année écoulée.
2e étape : en janvier de l’année suivante, au cours d’une autre réunion, la reddition des comptes va pleinement se réaliser et être définitivement arrêtée. Le secrétaire inscrit alors à l’ordre du jour « reddition de comptes : vote du budget de l’année écoulée et du budget prévisionnel ».
Cette réunion se décompose ainsi :
- le trésorier présente les éventuelles dernières dépenses et recettes qui se sont ajoutées par rapport au bilan évoqué lors de la précédente réunion ;
- il propose ce qui peut être fait dans l’année à venir, en fonction de l’état des comptes, des subventions à venir et des futures dépenses ;
- le CE vote le budget réalisé et le budget prévisionnel ;
- le trésorier présente alors, pour approbation, le compte-rendu qu’il entend afficher pour que le personnel puisse en avoir connaissance.
3e étape : le trésorier (ou l’un des membres du CE) affiche les comptes sur les tableaux réservés aux communications syndicales ou à défaut sur les panneaux destinés à l’information des salariés (C. trav., art. R. 2323-37). Dans le même temps, un exemplaire du document affiché est transmis à l’employeur (C. trav., art. L. 2142-3).
COMMENT PRÉSENTER LES COMPTES ?
Concrètement, le trésorier (ou la personne désignée) doit faire état du montant des budgets que l’employeur a versé au CE ainsi que du montant des dépenses engagées par le CE. Il est impératif de différencier le budget de fonctionnement de celui dédié à vos ASC. Deux comptabilités parfaitement distinctes doivent être établies car il n’y pas de compensation possible entre ces 2 budgets.
Au sein de chaque budget, les montants des différents sous-budgets peuvent être mentionnés en présentant pour chacun le montant prévisionnel et le montant réalisé.
LE CE PEUT VOTER SUR LE COMPTE RENDU ANNUEL DE GESTION
La loi n’impose pas de forme particulière pour la reddition des comptes, donc tout dépend de ce que prévoit le règlement intérieur du CE. Un vote peut s’avérer utile car cela permet de montrer aux salariés que l’accord des élus sur la gestion qui a été faite des budgets du CE.
Pour le budget de fonctionnement, l’employeur ne prend pas part au vote, car il est question de la gestion interne des missions économiques du CE, sur laquelle il n’a pas son mot à dire.
Pour le budget des ASC, la question est controversée parce que le Code du travail n’apporte pas de précisions et que les décisions de justice sont parfois contradictoires (Cass. crim., 4 nov. 1988, no 87-91.705 et Cass. soc., 25 janv. 1995, no 92-16.778). Le plus souvent, l’employeur s’abstient de voter en matière d’ASC du fait du monopole de gestion du CE dans ce domaine. S’il doute de la manière dont est géré le CE, l’employeur peut toujours, en sa qualité de président du CE, demander communication des documents comptables (Cass. soc., 19 déc. 1990, no 88-17.677).
Ce qui ressort des débats au CE devra ensuite être consigné par le secrétaire dans le procès-verbal de la réunion. Les tableaux des comptes pourront aussi y être retranscrits ou annexés en pièce jointe.
LE COMMISSAIRE AUX COMPTES PEUT APPROUVER VOS COMPTES
Dans les sociétés commerciales, le bilan détaillé établi lors de la reddition des comptes peut être approuvé par le commissaire aux comptes (CAC) chargé par l’employeur de certifier la régularité et la sincérité des comptes de l’entreprise (C. trav., art. R. 2323-37 ; C. trav., art. L. 2323-8).
Notre point de vue
Soumettre vos comptes au CAC est pour vous une possibilité et non une obligation. Avant de devenir l’article R. 2323-37 suite à la recodification de 2008, l’article R. 432-14 du Code du travail prévoyait en effet que votre bilan de gestion est « éventuellement » approuvé par le CAC. Sachez que cette question fait encore l’objet de nombreux débats (voir les Cahiers Lamy du CE no 111, janv. 2012, p. 26)…
A priori, le coût de l’intervention du CAC s’agissant des comptes du CE est à la charge de l’employeur. Il semble logique que ce coût fasse partie intégrante de l’analyse des comptes de la société. En revanche, si le CE a recours à un autre CAC que celui de l’employeur ou à un expert-comptable, ce sera plutôt à lui, CE, d’en supporter les frais.
Notre point de vue
Pour que les choses soient claires, il ne faut pas hésiter à les préciser dans le règlement intérieur du CE, que ce soit pour savoir qui approuve les comptes ou qui rémunère cette personne. Mais le RI du CE ne peut pas aller à l’encontre de dispositions légales.
LE COMPTE RENDU DOIT ÊTRE AFFICHÉ POUR LES SALARIÉS
Le compte-rendu de gestion doit être porté à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur les tableaux réservés aux communications syndicales (C. trav., art. R. 2323-37). Le CE peut se contenter de dresser un état de ses recettes et dépenses et simplement opérer un rapprochement entre les deux.
Mais cela peut paraître insuffisant aux yeux des salariés. Le CE peut donc aller plus loin et détailler davantage ses comptes pour les présenter activité par activité, afin que les salariés qui ont élu le CE aient une idée plus précise de l’utilisation de ses budgets. Simultanément à l’affichage des comptes, un exemplaire doit être transmis à l’employeur (C. trav., art. L. 2142-3). Si le CE refuse d’afficher ses comptes, les salariés sont en droit de saisir le tribunal de grande instance en référé pour qu’il ordonne cet affichage. Le CE est tenu à cet affichage, sauf difficultés d’ordre technique empêchant l’établissement des comptes, comme par exemple, un calendrier de consultation serré en fin d’année du fait d’une restructuration (TGI Paris, réf., 21 oct. 2003, no 03/58762).
Un membre du CE peut aussi saisir le juge des référés pour qu’il ordonne à celui qui est chargé de rendre des comptes de procéder à cette affichage au plus vite.
QUE FAIRE QUAND ELLE N’EST PAS FAITES ?
Si la reddition annuelle des comptes n’est pas faite, tout salarié peut saisir en référé le tribunal de grande instance. En effet, la reddition des comptes constitue un droit pour les salariés, le droit d’avoir une information annuelle sur l’usage de vos budgets.
Si, malgré les demandes répétées de membres du CE, le trésorier fait de la « rétention d’informations » et n’établit pas les comptes, il est possible d’intenter une action en justice contre lui, pour qu’il lui soit ordonné de procéder à la reddition des comptes. L’employeur est aussi compétent pour le faire. Mais dans un cas comme dans l’autre « l’obligation de remise des documents à l’occasion de la reddition des comptes ayant été édictée au profit du CE lui-même pour assurer la continuité de son fonctionnement, et non au profit de chacun de ses membres », le CE doit mandater quelqu’un pour agir (Cass. soc., 2 juin 2010, no 09-12.758 ; CA Versailles, ch. 14, 28 sept. 2011, no 10/04213). Le CE a également la possibilité de changer de trésorier, en respectant la même procédure que celle suivie lors de sa désignation, sinon celle éventuellement prévue par le règlement intérieur du CE.
SI LES FONDS ONT ÉTÉ MAL UTILISÉS…
Une fois établis, les comptes du CE peuvent soulever certaines questions : des sommes ont pu être mal affectées, mal utilisées, voire détournées ; certaines écritures comptables peuvent sembler douteuses…
Si c’est la régularité de la tenue des comptes qui est en cause, c’est le juge civil, et plus précisément le TGI qui est compétent. Toute personne justifiant d’un intérêt légitime peut agir, ce qui inclut un salarié ou un élu seul (C. proc. civ., art. 31).
Une action en référé est envisageable pour bloquer l’utilisation des fonds. En parallèle, le juge peut contrôler la légalité, et non l’opportunité, de la délibération prévoyant l’utilisation des fonds. Si le juge annule la délibération, cela permet de réintégrer dans le bon budget les fonds mal utilisés et/ou d’obtenir remboursement des sommes indûment exposées. Si le CE a vent d’une possible action, il lui faut se réunir rapidement pour éviter que la situation ne se dégrade, notamment pour savoir ce qui lui est reproché et pouvoir y répondre. Mieux vaut éviter d’aller jusqu’au contentieux. Par exemple, un expert peut être chargé d’intervenir : cela a l’avantage de rendre transparente la gestion du CE et l’intervention d’un tiers spécialiste peut permettre d’apaiser la situation.
Quoiqu’il en soit, il est important de communiquer efficacement auprès des salariés.
Une action pénale peut aussi être engagée en cas d’abus de confiance au détriment du CE, quand ses fonds sont détournés. Pour porter l’affaire devant le juge pénal, il faut subir directement un préjudice personnel (C. proc. pén., art. 2). Seul le CE, en tant que personne morale, peut donc directement agir, en portant plainte et en se constituant partie civile (Cass. crim., 16 oct. 1997, no 96-86.231).
Ni un élu seul, ni l’employeur, ni un salarié, ni un syndicat ne peuvent donc agir. Seule solution pour eux : dénoncer les faits commis auprès du Procureur de la République. Dans ce cas, celui-ci décidera ou non d’engager des poursuites (C. pr. pén., art. 40 ; C. pr. pén., art. 40-1).
À NOTER
L’utilisation abusive du budget par un membre du CE ne permet pas à l’employeur de le sanctionner car celui-ci a agi dans le cadre de son mandat et non dans le cadre de son contrat de travail (Cass. soc., 4 juill. 2000, no 97-44.846).
Hadrien Cobolet Juriste en droit social
Les Cahiers Lamy du CE, N° 116