LES NOUVEAUTES REELLES DE LA LOI EL KHOMRI 2016 DITE LOI TRAVAIL
La loi « relative au travail, a la modernisation du dialogue social et a la securisation des parcours professionnels » a ete promulguée le 9 aout après la saisine du Conseil constitutionnel qui a rendu sa decision le 4 aout.
Son objectif primaire est la refondation de notre modele social et, même si elle a ete largement edulcoree par les differents passages à l’Assemblee Nationale et au Senat, cette loi de 240 pages porte sur de tres nombreuses dispositions.
Sa philosophie générale vise à développer la négociation d’entreprise dans le domaine de la durée du travail, des repos et des congés. Dans ces domaines, l’accord d’entreprise peut prévaloir sur l’accord de branche, ce qui constitue un changement radical dans l’appréciation de l’ordre de priorité des textes.
La loi comporte également un certain nombre de mesures qui, pour certaines, nécessiteront des décrets d’application :
- sur l’emploi avec le nouveau compte personnel d’activité et des dispositifs visant à l’accompagnement vers l’emploi des personnes handicapées, des jeunes ou des demandeurs d’emploi ;
- sur la formation (incitation à la VAE…) ;
- diverses mesures telles que la nouvelle définition du licenciement économique, la remise à plat de l’inaptitude et l’obligation de négocier sur le droit à la déconnexion des salariés.
J’ai essayé de synthétiser, ci après, les mesures principales de la loi.
La négociation collective :
Une large place est faite à la négociation collective et la loi prévoit une refondation du Code du travail qui prévoit 3 niveaux :
- L’ordre public, auquel aucun accord ne peut déroger
- Le champ de négociation collective : selon les cas, l’accord d’entreprise peut prévaloir sur l’accord de branche
- Les dispositions supplétives, applicables en l’absence d’accord d’entreprise et de branche.
Quelques exemples prévus par la loi où l’accord d’entreprise peut prévaloir sur l’accord de branche :
o Rémunération des temps de pause et de restauration,
o Contreparties des temps de trajet
o Majoration des heures supplémentaires (avec des limites)
o Aménagement du temps de travail supérieur à la semaine
o …
La loi prévoit aussi la possibilité de négocier un accord d’entreprise pour adapter son organisation aux variations d’activité : Il s’agit d’une nouvelle mission légale pour l’expert comptable que RSM peut effectuer.
Par ailleurs, la loi fixe comme objectif aux partenaires sociaux de passer de 930 branches professionnelles (dont 250 agricoles) à 200 branches professionnelles dans un délai de 3 ans.
Elle renforce aussi les moyens des syndicats en augmentant de 20% les heures de délégation des délégués syndicaux.
Durée du travail, répartition et aménagement des horaires
L’article 8 comporte plus de 50 pages sur la durée du travail (c’était l’ancien article 2 qui a tant défrayé les chroniques) et comme nous l’avons vu ci-dessus un certains nombre de mesures pourront être traitées par accord d’entreprise.
Durées maximales de travail
La durée hebdomadaire de travail reste en principe limitée à 48 heures sur une semaine et à 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines. La dérogation à la durée de 44 heures (dans la limite de 46 heures) est désormais possible par accord d’entreprise ou d‘établissement et plus seulement par accord de branche.
Durée légale du temps de travail et heures supplémentaires
La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet reste fixée à 35 heures par semaine. Ainsi, toute heure accomplie au-delà de 35 heures reste une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration de salaire ou à un repos compensateur équivalent. Les heures supplémentaires se décomptent toujours par semaine.
Le taux de majoration des heures supplémentaires sera fixé en priorité par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par un accord de branche, sans pouvoir descendre en-dessous de 10 %. En l’absence de tels accords, le taux de majoration reste fixé par la loi à 25 % pour les 8 premières heures et à 50 % pour les heures suivantes.
Compte personnel d’activité
Le compte personnel d’activité (CPA) comprend :
- compte personnel de formation ;
- compte personnel de prévention de la pénibilité ;
- nouveau compte d’engagement citoyen.
À compter du 1er janvier 2017, tous les salariés et tous les demandeurs d’emploi âgés d’au moins 16 ans disposeront d’un compte. Le dispositif s’appliquera aux travailleurs indépendants, professions libérales et non salariées ainsi qu’aux conjoints collaborateurs à partir du 1er janvier 2018.
Le compte personnel d’activité donne accès à des formations :
- d’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience ;
- permettant de réaliser un bilan de compétences ;
- dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises ;
- destinées à permettre aux bénévoles et aux volontaires en service civique d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions (seules les heures acquises au titre du compte d’engagement citoyen pourront financer ces actions).
L’alimentation du compte se fait à hauteur de 24 heures par année d’exercice de l’activité jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures (400 heures pour les salariés peu qualifiés), puis 12 heures par an jusqu’à un plafond de 150 heures.
Le texte prévoit la possibilité pour les partenaires sociaux qui le souhaitent d’ouvrir avant le 1er octobre 2016, une négociation sur les possibilités d’extension du dispositif.
Le compte d’engagement citoyen, quant à lui, recense les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire. Il permet d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation et des jours de congés pour exercer une activité citoyenne.
Congés payés et congés pour événements familiaux
Les dispositions selon lesquelles les jours fériés chômés sont obligatoirement rémunérés pour les salariés justifiant d’au moins 3 mois d’ancienneté dans l’entreprise, s’appliquent désormais aux salariés saisonniers qui, du fait de plusieurs contrats successifs ou non, cumulent une ancienneté totale d’au moins 3 mois auprès du même employeur.
L’attribution de 2 jours supplémentaires de congé par enfant à charge pour les salariés de moins de 21 ans, jusqu’alors réservés aux femmes est étendue aux hommes de moins de 21 ans.
Il est dorénavant possible aux salariés de prendre plus de 24 jours de congés consécutifs dans 2 nouvelles situations, sans contrainte géographique :
- présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ;
- ou présence d’une personne âgée en perte d’autonomie.
La loi confie à un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention un accord de branche le soin de fixer le début de la période de référence pour l’acquisition des congés et de majorer la durée du congé en raison de l’âge, de l’ancienneté ou du handicap.
La loi fixe aussi les règles relatives aux congés spécifiques (hors congés annuels, par exemple) qu’elle désigne sous le terme de « congés d’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale ». Ces congés sont mis en œuvre au moyen d’une négociation collective au niveau de l’entreprise et à défaut au niveaux de la branche en respectant des droits minimum de :
- 4 jours pour leur mariage ou pour leur Pacs ;
- 1 jour pour le mariage d’un enfant ;
- 3 jours pour la naissance d’un enfant ou pour l’arrivée d’un enfant adopté ;
- 5 jours pour le décès d’un enfant (2 jours avant cette loi) ;
- 3 jours pour le décès de leur conjoint ou de leur partenaire de Pacs, le décès de leur concubin (ce qui constitue aussi une nouveauté par rapport à la précédente législation) ;
- 3 jours aussi pour le décès de leur père, de leur mère, de leur beau-père, de leur belle-mère, de leur frère ou de leur sœur (1 jour auparavant) ;
- 2 jours à l’annonce de la survenue d’un handicap chez leur enfant (nouvelle mesure).
Ces congés n’entraînent pas de réduction de la rémunération et sont assimilés à du travail effectif pour déterminer le congé payé annuel.
En l’absence d’accord collectif, ce minimum sera garanti aux salariés.
Protection renforcée des parents contre le licenciement
Diverses mesures de la loi contribuent à renforcer les mesures protectrices liées à la qualité de parent.
Après un congé de maternité ou un congé d’adoption, la période de protection dite « relative », durant laquelle l’employeur ne peut pas rompre son contrat de travail, sauf faute grave non liée à la grossesse ou impossibilité de maintenir le contrat de travail étrangère à la grossesse ou à l’accouchement est désormais fixée à 10 semaines après le congé de maternité, au lieu de 4 semaines antérieurement (avec des règles particulières si la salariée prend des congés payés « immédiatement » après son congé maternité) .
La période de protection relative accordée au père de l’enfant pendant les semaines suivant la naissance de son enfant est également portée de 4 à 10 semaines.
Enfin, la loi précise le régime de la sanction indemnitaire en cas de prononcé d’un licenciement en violation des périodes de protection liée à la maternité.
Adaptation du Code du travail à l’ère numérique
Un certain nombre de mesures (art 54 à 60) font évoluer le Code travail pour prendre en compte les nouvelles technologies :
- Bulletin de paie dématérialisé : L’employeur peut, à compter du 1er janvier 2017, procéder à la remise du bulletin de paie dématérialisée dans des conditions garantissant l’intégrité des données (coffre fort et signature électroniques) sauf refus express du salarié (avant la loi travail, il fallait avoir l’accord express de chaque salarié pour cela).
- Droit à la déconnexion : Il faudra un accord (+300 salariés) ou une charte (- 300 salariés) en vue d’assurer le respect des temps de repos des salariés.
- Différentes mesures sur les relations salariales : Publications syndicales, vote électronique.
- Obligations sociales des plateformes de mise en relation par voie électronique (comme par exemple UBER, non cité par la loi bien entendu)
Licenciement pour motif économique
La loi travail ne modifie pas le cadre dans lequel s’applique le motif économique mais clarifie les règles afin d’encadrer son appréciation par les tribunaux.
Médecine du travail et licenciement pour inaptitude physique
La loi assouplit les obligations des employeurs en matière de surveillance médicale ainsi que les conditions de licenciement pour inaptitude physique (des précisions seront données par décret).
- La visite médicale d’embauche est remplacée par une visite d’information et de prévention qui a lieu après l’embauche.
- Les modalités des visites périodiques sont précisées.
- Suppression de la double visite médicale constatant l’inaptitude et assouplissement des conditions de licenciement en cas d’impossibilité de reclassement
Lutte contre le détachement illégal
La loi travail renforce les obligations des donneurs d’ordre recourant à des prestataires établis à l’étranger.
Source : Jean-Marc Morel