Source : Conseil superieur de l’Ordre des Experts Comptables
LA PREVENTION A L’INITIATIVE DES TIERS : LE DROIT D’ALERTE DU COMITE D’ENTREPRISE
Le Comité d’entreprise peut déclencher un droit d’alerte quand « il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise », ce qui lui ouvre un large domaine d’intervention dans la mesure où le caractère préoccupant des faits est laissé à son appréciation : le fondement du droit d’alerte du Comité d’entreprise est la crainte légitime, davantage que le risque immédiat d’ordre financier.
Le critère de mise en œuvre de la procédure est donc plus large que celui qui est retenu pour les commissaires aux comptes et pour le Tribunal de Commerce . Il n’implique pas forcément des faits de nature à rompre la continuité de l’exploitation mais seulement susceptibles de susciter une inquiétude sur l’évolution de l’entreprise.
La formule prévue par l’article L. 432-5 du Code du Travail, générale et imprécise, permet, au-delà d’éléments strictement comptables, d’englober toutes sortes d’indices de nature à susciter une inquiétude ; il peut s’agir par exemple de la perte de marchés, d’un endettement excessif, d’une inadaptation des produits de l’entreprise aux besoins de la clientèle.
Cela peut concerner également des mesures de restructuration et des suppressions d’emplois ; dans de nombreux cas, la procédure d’alerte déclenchée par le Comité d’Entreprise précède des plans sociaux, quels que soient par ailleurs la situation financière de l’entreprise et ses problèmes de trésorerie.
Le Comité d’Entreprise ne peut néanmoins déclencher l’alerte à la légère et les faits motivant la procédure doivent revêtir une certaine intensité ; si le Comité surestime la gravité des faits retenus, à défaut d’engager sa responsabilité, il peut se heurter à un refus de la Direction de l’entreprise.
Même si la jurisprudence (arrêt de la Cour de Cassation du 8 mars 1995) donne une grande liberté au Comité d’Entreprise pour apprécier les faits de nature préoccupante, il évite, en s’appuyant sur l’expert-comptable choisi pour l’assister, d’abuser de ses prérogatives.
Le Comité d’Entreprise déclenche le droit d’alerte en demandant à l’employeur de lui fournir des explications sur ces faits, qui doivent être énoncés. La direction doit répondre à cette demande – un refus pouvant être assimilé à un délit d’entrave – dans le cadre général de l’information du C.E. (réponse précise et écrite, mais la loi n’indique pas de délai).
Si cette réponse ne satisfait pas le Comité, ou si elle le conforte dans ses inquiétudes, il vote la poursuite de la procédure et, s’il le souhaite, l’assistance d’un expert-comptable dont le coût est à la charge de l’entreprise (dans la limite toutefois d’une fois par exercice).
La procédure se poursuit par la rédaction d’un rapport analysant les différents aspects du problème et des réponses apportées (ou non). Ce rapport, en principe rédigé par le Comité d’Entreprise, ou la commission économique lorsqu’elle existe, est présenté à une deuxième réunion de C.E., l’expert-comptable nommé étant présent.
Destiné à l’employeur, il est également souhaitable que le rapport d’alerte soit adressé aux commissaires aux comptes, ce qui permet de procéder à des échanges d’informations entre les deux principaux acteurs de la procédure d’alerte. Un vote est à nouveau nécessaire pour décider d’une saisine éventuelle de l’organe d’administration, de surveillance, ou éventuellement des actionnaires ; l’avis de l’expert-comptable est joint à ce vote. Le C.E. doit recevoir une réponse motivée dans le mois qui suit la délibération de l’organe d’administration.
Il est difficile d’apprécier l’efficacité de la procédure déclenchée par le Comité d’Entreprise : simple instrument de dialogue ou de polémique entre les deux parties parfois, véritable outil de prévention des difficultés dans d’autres circonstances, complétant les moyens utilisés par le commissaire aux comptes.
Par contre, la crainte que cette procédure ne déstabilise l’entreprise en mettant sur la place publique les problèmes qu’elle rencontre ne semble pas fondée ; en pratique, cette procédure est en effet lourde à mener et les Comités d’Entreprise en font un usage circonspect de crainte que la publicité qui peut lui être faite n’aggrave au bout du compte la situation de leur entreprise.
Article L. 2323-78 (ex Articles L 432-5 ; R 432-17 et 18 du Code du Travail).